Pionnière du made in France avec son label pour homme De Bonne Facture lancé en 2013, la Parisienne privilégie aujourd’hui les filières locales de laine et de lin.

Formation empirique de Saint-Germain-des-Prés à Shanghai

« Bien que je sois attirée par la mode depuis toujours, j’ai poursuivi des études classiques. L’année de mes 18 ans, je me suis mis en tête de pénétrer cet univers en passant par la petite porte. J’ai déposé mon CV dans des boutiques et j’ai fini par décrocher un stage chez une créatrice d’accessoires de la rue du Bac à Paris. Elle produisait ses modèles dans le XVIIe arrondissement. En quelques semaines, j’ai touché un peu à tout, comme souvent dans les petites structures. C’était très enrichissant et, par la suite, j’ai réalisé tous mes autres stages d’études [à HEC, NDLR] dans le secteur de la mode. Un premier job m’a conduit chez Hermès. Puis j’ai eu l’opportunité de rejoindre le bureau de sourcing du Groupe Etam à Shanghai. Là-bas, j’officiais comme intermédiaire entre les stylistes basés en France, et les fabricants chinois chez qui je me déplaçais pour développer les prototypes. »

Un tour de France des savoir-faire

« En peu d’années, j’avais fait le grand écart entre le luxe et la fast fashion. De retour à Paris, je voulais créer mon entreprise. J’avais envie de mettre en avant des artisans locaux et des métiers particuliers. J’ai entrepris un tour de France des savoir-faire au cours duquel j’ai surtout saisi la désindustrialisation du pays. À l’époque, il y avait aussi les boutiques Old England et Aux laines écossaises qui baissaient le rideau. J’avais l’impression que tout un monde cousu de traditions était en passe de disparaître. J’ai planché sur le projet d’un label de qualité qui coéditerait des collections avec différents ateliers français. Hélas, leurs modèles étaient rarement modernes. J’ai donc décidé de créer ma marque De Bonne Facture, sans renoncer à l’idée du made by des artisans spécialisés. »

Deborah Neuberg.(©Dorian Prost pour Les Echos Week)

Au commencement, il y a toujours la matière

« L’esprit de la mode masculine correspondait mieux à ma sensibilité pour me lancer. C’est un domaine davantage centré sur les tissus, les savoir-faire et les finitions. Et puis j’ai toujours aimé piocher dans le dressing homme pour m’habiller… Après ma quête d’ateliers de confection en région, je me suis penchée sur les matières, l’origine des fibres. J’ai découvert qu’il était possible de travailler avec des filières locales. En particulier pour la laine ou le lin qui pousse dans le Nord de la France. J’utilise ces compositions en priorité dans mes collections. »

La qualité plutôt que la nationalité

« La pandémie a validé tous mes choix depuis 2013. Mais elle a aussi montré qu’être précurseur n’est pas toujours rémunérateur. On encense aujourd’hui la fabrication française. Mais ce n’est pas toujours réalisable ni tenable par rapport à un positionnement prix. Désormais, je défends plutôt l’idée de la meilleure fabrication dans le rayon le plus proche, sachant que quelques savoir-faire ont d’ores et déjà disparu de l’Hexagone. Je m’attache au made by plutôt qu’au made in, à l’instar du rapport ‘Relocalisation et mode durable’ qui a été récemment édité par le Comité stratégique de filière mode et luxe. »

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